22èmes JOURNEES CINEMATOGRAPHIQUES DE CARTHAGE : “ Teza ” de Haile Gerima remporte le Tanit d’or

Avec son long-métrage « Teza », le réalisateur éthiopien Haile Gerima a fait une véritable razzia aux Journées cinématographiques de Carthage. En plus du Tanit d’or, il a également reçu quatre autres prix dont celui du meilleur scénario.

TUNIS - Le long-métrage « Teza » (La rosée) du réalisateur éthiopien Haile Gerima a presque tout raflé aux 22èmes Journées cinématographiques de Carthage (Jcc). Lors de la cérémonie de clôture qui a eu lieu samedi soir au Théâtre municipal de Tunis, ce film a reçu cinq distinctions : meilleur second rôle masculin, meilleure image, meilleure musique, meilleur scénario et enfin la consécration suprême, Tanit d’or du meilleur film. « Nous avons, à l’unanimité et dès le premier tour, choisi ce film qui est un immense chef-d’œuvre et qui nous a tous bouleversés », a expliqué le président du jury, l’écrivain algérien Yasmina Khadra. Le choix porté sur « Teza » a été bien accueilli par le public qui a offert un standing ovation à Haile Gerima. Ce cinéaste, après quatorze ans de silence, signe bien son retour dans le milieu du septième Art africain. « Je suis un élève de Ousmane Sembène et de Tahar Chéria, le fondateur des Jcc. En recevant ce prix, je pense aussi à tous ces pionniers du cinéma africain qui réalisaient leurs films avec des bouts de ficelle. Notre cinéma est encore en friche et ce sont les nouvelles générations qui doivent le développer », a déclaré le réalisateur éthiopien qui est un admirateur des grands intellectuels noirs que sont Frantz Fanon et Aimé Césaire dont il ne cesse de lire les œuvres. Son film est une véritable fresque qui raconte l’histoire de Anberber, un jeune étudiant en Médecine en Allemagne qui, quelques années plus tard, revient dans son village natal, complètement métamorphosé. Au-delà de l’odyssée de ce jeune homme, c’est toute l’histoire contemporaine de l’Ethiopie que Haile Gerima restitue avec une rare maîtrise de la narration et des images à vous couper le souffle, qui n’ont rien à voir avec ce que les télévisions nous montrent sur ce pays d’Afrique de l’Est. Il dresse le portrait assez réaliste d’une Ethiopie en proie aux démons politiques et écartelée entre ses rêves, ses espoirs et ses drames. Ayant quitté son pays depuis 1968 pour aller vivre aux Etats-Unis, ce professeur de cinéma à l’Université Howard de Washington restitue bien les désillusions liées à l’exil. Né en 1946, il est actuellement l’un des doyens du cinéma africain. En recevant son prix, il a eu une pensée à Taeb Louichi, ce cinéaste tunisien qui a fait un film sur l’île de Gorée et qui est cloué sur un lit d’hôpital depuis des années après un accident de voiture.

Mention spéciale à Ousmane W. Mbaye

Dans la section long-métrage, le Tanit d’argent a été attribué à « Leila’a birthday » du cinéaste palestinien Rashid Mashrawi, une évocation des tribulations d’un juge converti en taximan pour gagner sa vie à Ramallah. Le Tanit de bronze a été attribué au film tunisien « Khamsa » de Karim Dridi dans lequel un garçon de 11 ans cherche sa place dans un monde qui semble l’ignorer. Le comédien burkinabé Sotigui Kouayé a reçu un Tanit d’honneur pour l’ensemble de son œuvre. Le jury fiction a également décerné des prix dans la section court-métrage. Ainsi les Tanit d’or, d’argent et de bronze ont été respectivement remportés par « Clean hands, dirty soap » de l’Egyptien Karim Fanous, « Lahzar » du Tunisien Bahri Ben Yahmed et « Little sun » du Syrien Alfouz Tanjour. Au niveau des documentaires long-métrages, dont le jury était présidé par le cinéaste sénégalais Samba Félix Ndiaye, le Tanit d’or est allé à « Une affaire de nègres » de la Camerounaise Osvalde Lewat, tandis que « Mémoires de femmes » de Lassad Oueslati (Tunisie) et « Souriez, vous êtes au Liban » de Dalia Al Kury (Jordanie) ont reçu respectivement les Tanit d’argent et de bronze. Une Mention spéciale a été attribuée à « Mère-bi » de Ousmane William Mbaye du Sénégal, ainsi qu’à « J’ai tant aimé » de Dalila Ennadre (Maroc) et « Silence » de Karim Souaki (Tunisie). Le jury documentaire a décidé de ne pas décerner de prix dans la section court-métrage à cause du retrait de la compétition, du film syrien « Zabad » de Reem Ali, « pour des raisons politiques », selon le président du jury. « Pour marquer notre désaccord par rapport cette censure, nous avons décidé de ne pas attribuer de prix dans cette section », nous a confié Samba Félix Ndiaye après la cérémonie de clôture. D’autres prix ont par ailleurs été remis comme le Prix spécial du jury long-métrage de fiction qui a été remporté par « La maison jaune » de l’Algérien Amor Hakkar. A l’issue d’un atelier de projets organisé par les Jcc, le jeune réalisateur sénégalais Massaër Dieng a reçu une bourse de dix mille euros offerte par l’Organisation internationale de la Francophonie pour le développement de son projet de long-métrage intitulé « Dakar, en attendant la pluie... ». Une belle fête a mis fin à la 22ème session des Journées cinématographiques de Carthage. La prochaine édition aura lieu en 2010.

De notre envoyé spécial Modou Mamoune FAYE