Les hommages



Sotigui kouyate : fils de l’afrique et citoyen du monde


C’est ainsi que feu Sotigui Kouyaté aimait à se définir. Il nous a quittés discrètement un jour de printemps. Enraciné dans son africanité, serein dans son rapport à l’altérité, Sotigui aura été durant ses multiples vies une sorte d’incarnation idéale d’une Afrique altière assumant son histoire, fidèle à sa mémoire et ouverte à tous les métissages.
Réduire l’homme à sa filmographie ce serait construire une maison sans fondations comme se plaisait Sotigui à le dire. C’est aussi consacrer ce cliché tenace en vertu duquel la notoriété acquise en occident relève de l’acte de naissance d’un artiste africain. Avant d’être acteur, Sotigui est avant tout descendant d’une famille de griots, donc poète, conteur, musicien et danseur. Griot mais aussi footballeur professionnel, capitaine de l’équipe nationale du Burkina Faso en 1966. Difficile de comprendre Sotigui en faisant abstraction de ses vies antérieures qui l’auront presque naturellement conduit à la consécration qu’il a connue durant les vingt cinq dernières années de sa vie.
Ces premiers rapports avec le cinéma datent du début des années 70 au cours desquelles Mustapha Alassane lui donne ses premiers rôles importants sur le grand écran.
La rencontre avec Brook et son « Mahabharata » se fait en 1984, alors que Sotigui a quarante huit ans et donnera une impulsion décisive à son parcours dans le théâtre et le cinéma. Une rencontre surtout humaine, Sotigui trouve en effet dans le travail avec Brook, une sorte d’écho de ce qu’a toujours été sa quête, la possibilité d’envisager la pratique artistique dans son universalité, au-delà des frontières étriquées des cultures, des races et des religions.
C’est l’image d’un sage enrichi par ses multiples vies qui sera sollicitée à partir du milieu des années 90 par les films au programme de l’hommage rendu à Sotigui par les journées cinématographiques de Carthage. Et c’est avec des cinéastes africains, Cheikh Omar Sissoko, Dani Kouyaté, Salif Traoré ou Rachid Bouchareb que Sotigui a pu donner la pleine mesure de son talent d’acteur .

Ikbel Zalila
  LE MAHABHARATA Peter BROOK - France ( 1988 )
  KEITA ! L’HERITAGE DU GRIOT Dani KOUYATE - BurkinaFaso ( 1995 )
  SOTIGUI KOUYATE, UN GRIOT MODERNE Mahamat Saleh HAROUN - Tchad ( 1998 )
  LA GENESE Cheick Oumar SISSOKO - Mali ( 1998 )
  LITTLE SENEGAL Rachid BOUCHAREB - Algérie ( 2001 )
  LONDON RIVER Rachid BOUCHAREB - Algérie ( 2008 )


Hommage a Rachid BOUCHAREB


Entre drames intimistes et cinéma épique, Rachid Bouchareb a acquis en un quart de siècle une centralité dans le cinéma français que personne n’aurait pu prédire il y a encore quelques années. De Cheb à Hors- la loi, le cinéma de Rachid Bouchareb est travaillé par le même idéal humaniste défendu avec une constance qui force le respect.
C’est dans la pleine conscience de sa différence, que Bouchareb a pu bâtir une œuvre qui s’est très vite affranchie du cinéma de ghetto dans lequel on a tendance à confiner les cinéastes de l’émigration maghrébine. De sa double culture, Bouchareb a fait un atout pour déployer un point de vue original sur le déracinement, l’émigration, et les oubliés de l’Histoire. L’originalité du Bouchareb cinéaste s’ancre dans ce désir impérieux qu’il éprouve de naviguer entre des cinémas différents, de «London River» film à petit budget tourné en en trois semaines en équipe légère à «Hors- la loi» superproduction à la manière Hollywoodienne. Cette mise en jeu systématique de son cinéma, est aussi une manière pour lui d’affirmer sa liberté de créateur et de s’immuniser contre toute tentative de catégorisation.
Cette oscillation de la forme filmique vient se conjuguer chez le réalisateur franco-algérien à une fidélité sans faille aux idéaux qu’il n’a jamais cessé de défendre depuis «Cheb». Plus, à travers le didactisme d’ «Indigènes» et «Hors-la loi» , grandes fresques historiques destinées à un grand public, Rachid Bouchareb fait preuve d’un sens aigu des potentialités du cinéma en tant qu’instrument d’écriture de l’histoire. Ce n’est qu’à la condition de se présenter comme fable, donc dans un écart maximal avec toute velléité de reconstitution «objective» du passé que le cinéma se fait Histoire. C’est toute l’intelligence «d’Indigènes» et des victoires contre l’oubli qu’il aura rendues possibles.

Ikbel Zalila
  BATON ROUGE Rachid BOUCHAREB - France ( 1985 )
  LONDON RIVER Rachid BOUCHAREB - France ( 2008 )
  LITTLE SENEGAL Rachid BOUCHAREB - Algérie ( 2000 )
  HORS LA LOI Rachid BOUCHAREB - France ( 2010 )
  INDIGENES Rachid BOUCHAREB - France ( 2006 )
  POUSSIERES DE VIE Rachid BOUCHAREB - France ( 1994 )
  CHEB Rachid BOUCHAREB - Algérie ( 1991 )


Hommage a Hiam ABBAS


J’ai rencontré Hiam Abbass, quand j’étais à la recherche du personnage principal de «Satin Rouge». J’avais remarqué son visage de tragédienne et sa prestance dans un film où elle tenait un rôle secondaire «Vivre au Paradis» de Bourlème Guerdjou, celui d’une militante engagée. Ce n’était pas exactement ce que je recherchais mais j’ai senti qu’elle avait quelque chose de magnétique et surtout les épaules pour assumer un rôle que je pressentais polémique.

Je ne voulais pas construire ce personnage dans l’émotion mais je le voulais néanmoins passionné. Hiam a su lui insuffler force, fragilité, et intensité.

Raja Amar
  SATIN ROUGE Raja AMARI - Tunisie ( 2001 )
  AMREEKA Cherien DABIS - Palestine ( 2009 )
  PARADISE NOW Hany ABU ASSAD - Palestine ( 2005 )
  LE PAIN Hiam ABBAS - France ( 2001 )
  LA DANSE ETERNELLE Hiam ABBAS - France ( 2003 )
  POMEGRANATES AND MYRH Najwa NAJJAR - Palestine ( 2008 )
  CHAQUE JOUR EST UNE FETE Dima EL HORR - Liban ( 2009 )
  CLICHES Nadine NAOUS - Liban ( 2009 )
  UN ROMAN POLICIER Stéphanie DUVIVIER - France ( 2007 )
  MIRAL Julian SCHNABEL - Etats-Unis ( )


L’univers de Ghassan SALHAB


Constances…effacements…
Posthume…fantôme…ruines…inconnu…
A eux seuls, les titres des films de Ghassan Salhab nous désignent les constances d’un univers qui ne cesse de désirer se construire face à une conscience qu’on dirait organique de l’inéluctable effacement…
Le cinéma existentialiste de Salhab existe par les marges, marges de l’institution de production comme une des modalités contraignantes du travail artistique et marges de la narration comme corps de percepts normatifs, comme commodité…
Tout tient et se tient dans ce mouvement incessant de flux et de reflux qui fait qu’on soit toujours proches de l’évanouissement mais jamais du renoncement…
Silhouettes en suspens et écarts erratiques s’expriment dans les formes génériques de la liberté : essais, fragments, notes. Genres où l’intime et l’écriture du moi se conjuguent au souci du monde…
Rappeler que Ghassan Salhab est la figure de proue du nouveau cinéma libanais est une réalité mais qui risque d’être réductrice si on s’en tient aux seuls faits dont sont férus les historiens, mais elle l’est moins dès qu’on songe à l’effet-poésie, à cette tonalité contemplative qui imprime une œuvre de sa temporalité singulière avant de fédérer toute une génération…
Salhab, l’agnostique, nous excusera certainement ce vocabulaire mystique mais dans son univers la voix tient lieu de souffle et le cinéma de révélation ...

Tarek Ben Chaabane
  1958 Ghassan SALHAB - Liban ( 2009 )
  TERRA INCOGNITA Ghassan SALHAB - Liban ( )
  LE DERNIER HOMME Ghassen SALHAB - Liban ( 2006 )
  BEYROUTH FANTOME Ghassan SALHAB - Liban ( 1998 )
  POSTHUME Ghassan SALHAB - Liban ( 2007 )
  ENTRETIEN AVEC GODARD Ghassen SALHAB - Tunisie ( 2004 )


Hommage à Ateyyat El Abnoudy


Née en 1939, en Egypte, dans un village du Delta du Nil, Ateyyat el Abnoudy entreprend des études de droit à l’Université du Caire. Rien ne la prédestine à une carrière dans le cinéma. Elle s’essaie au théâtre, puis entre à l’Institut Supérieur du Cinéma. Le succès de son premier court -métrage Cheval de boue, 1971, est immédiat. Elle reçoit plus d’une trentaine de récompenses. Elle part alors à Londres poursuivre ses études de cinéma.

À ce jour, Ateyyat el Abnoudy a réalisé plus de vingt-neuf documentaires. Pionnière, fidèle au genre, elle n’a jamais été tentée par la fiction. Partout en Egypte, elle a promené un regard, saisissant de vérité. L’observation de l’univers rural constitue son sujet de prédilection. Dans ses films, elle se fait porte-parole des gens humbles ; pauvres certes, mais riches d’optimisme et d’humanité (La Triste chanson de Touha, 1972). Son point de vue, tout en étant réaliste, est empreint de poésie. Sa caméra se place toujours au plus près des gens qu’elle filme. Elle observe, s’interroge et ne juge surtout pas. C’est, n’en doutons pas, pour la qualité de son travail que l’Unicef et l’Unesco lui accordent souvent leur soutien.

Les femmes tiennent une large place dans son œuvre. Cependant, elle crie haut et fort à qui veut l’entendre qu’elle ne fait pas « des films sur les femmes parce qu’elle en est une, mais parce qu’elle parle de la vie et qu’elles en font partie ». Souvent, elle brosse le portrait de femmes solidaires, capables d’agir sur leurs destinés. (Rawya, 1995).

Durant le festival Ateyyat al Abnoudy ira à la rencontre des étudiants en cinéma. À l’occasion de l’hommage qui lui est rendu, des projections seront organisées dans certaines universités de la capitale. Pour plus de détails, merci de consulter le site web des JCC.