« Thalathoun » (trente) de Fadhel Jaziri clôture les JCC 2008

2008-11-01
Le film « Thalathoun » de Fadhel Jaziri qui n’a pas été retenu pour la compétition officielle, aura l’honneur ce soir de clôturer la 22ème édition des Journées Cinématographiques de Carthage au Théâtre de la Ville de Tunis.

Dans ce film, le réalisateur retrace le parcours des réformateurs célèbres de l’époque à qui la Tunisie d’aujourd’hui doit sa prospérité.



"TRENTE", de Fadhel Jaziri



Par Mohamed Naceur SARDI: D'habitude, un critique parle d'un film après sa sortie et non avant sa réalisation. Seulement, pour le film de Fadhel Jaziri, son premier en solitaire, les perspectives qu'il fait miroiter dans le contexte actuel, brumeux et incertain, du cinéma tunisien, font de cette œuvre la paille de foin qu'on se sent obligé d'agripper, avec le vague espoir qu'elle sera la locomotive qui tirera la production local vers des jours meilleurs.



Mit sur son trente et un, et dans un lieu insoupçonné pour présenter un film (l'amphithéâtre de la Société Tunisienne de l'Electricité et du Gaz, fournisseur des locaux de tournage), Fadhel Jaziri,cet agitateur de la culture depuis plus de trente ans, n'arrive pas à cacher son émotion quant il commence à parler de son film, "Trente" (Thalathoun), sous toutes les coutures.
Revisitant l'Histoire de la Tunisie de 1924 à 1935, "Thalathoun" a pour ambition de mettre en avant la pensée et les liens qui ont existé, ou qui auraient pu exister, entre cinq hommes dont l'influence à été, elle l'est encore, prépondérante sur le devenir de la Tunisie moderne. On parle ici de Tahar Hadded, Belgacem Chebbi, Mohamed Ali hammi, Ali Douagi et Habib Bourguiba.
Ces hommes, par leurs luttes, par leurs visions avant-gardistes et par leurs contestations et leurs transgressions de l'ordre établi et de la culture dominante, ont permis à leur pays d'être en diapason avec certains concepts de modernité; alors qu'ils furent marginalisés et honnis, voire bannis, à leur époque, aussi bien par le colonisateur que par leurs concitoyens.
Hadded, militant des droits de l'homme et auteur de l'écrit "Notre femme dans la chari'â et la société", précurseur de la code de la femme; Hammi, fondateur de la première organisation syndicale autochtone; Belgacem Chebbi, poète romantique et auteur d'une approche nouvelle, très contestée, de la poésie arabe classique et du rôle de la poésie en général ; Ali Douagi, nouvelliste et essayiste appartenant au groupe contestataire et fondateur d'un des rares mouvements culturels tunisiens, le groupe "Taht Essour"; Habib Bourguiba, militant politique visionnaire et imbibé des valeurs de la France moderne, et futur premier président de la Tunisie indépendante; ce sont les principaux protagonistes du futur film de Fadhel Jaziri. Ceci est déjà un défi, car parlé au même temps de tant de personnalités aussi importantes dans la pensée collective tunisienne, est un travail colossal et périlleux.



L'autre défi de ce film est d'ordre technique et financier. Un budget de plus deux millions de dinars, 211 comédiens, 500 figurants,un décor érigé en studio (la grande partie du film est tournée dans un décor construit par 80 décorateurs dans une centrale électrique désaffectée), un tournage en cinémascope pour la première fois en Tunisie, un story-board de 2400 planches dont la qualité permet une édition (prévue) en BD, un making off tourné par deux caméras, "Trente" est en train de faire éclater les limites des moyens de la production cinématographique tunisienne et d'explorer des nouveaux horizons qu'on croyait, jusqu'à ces jours, inabordables.

Le dernier défi est de travailler sur un scénario, écrit en collaboration avec la romancière Aroussia Nallouti, qui a pour ambition de projeter une lueur d'espoir sur une actualité, locale et internationale, de plus en plus intolérante, pour ne pas dire réactionnaire et morbide; ceci, en projetant sur cette actualité, la lutte, la perséverance et le militantisme d'une bande de jeunes intellectuels à l'esprit éclairé et férus de justice et de liberté , dans un contexte d'injustice, de fermeture sur soi même et de rejet de l'opinion différente et de renouveau, que sont les années trente en Tunisie.

Le tournage, qui a commencé le 25 septembre 2007, va durer 10 semaines. La post-production sera totalement prise en charge par les nouveaux laboratoires de Gammarth (LTC Méditerranée – Tunisie).
Source : www.cinematunisien.com

Mohamed Naceur SARDI Né en 1958 à Gafsa, est un critique de cinéma, Secrétaire Général de L'Association Tunisienne pour la Promotion de la Critique Cinématographique (ATPCC)