SOLEIL Ô(موريتانيا) - JCC : 1970 - 98 min


محمد هوندو




En 1970, Soleil Ô (1969) du réalisateur mauritanien Med Hondo débarquait sur la Croisette. Quarante-sept ans plus tard, sa copie restaurée a été présentée à Cannes Classics le 22 mai 2017. C’est la première restauration initiée dans le cadre du programme African Film Heritage Project né d’un partenariat entre la Fédération pan-africaine des cinéastes (Fepaci), la Film Foundation de Martin Scorsese et l’Unesco.
Film coup de poing sur la vie d’ex-esclave, d’ex-colonisé et d’immigré des Africains en France, son propos n’a pas pris une ride. Avant-gardiste, il s’avère même parfois prémonitoire. Notamment au détour d’un plan qui montre des hommes noirs dans une étendue d’eau. Les images des corps sans vie d’Africains aux abords des côtes italiennes ne sont malheureusement pas, elles, des images de fiction.
Les premiers plans de Soleil Ô montrent un groupe d’Africains et d’Afrodescendants, rassemblés devant un prêtre, qui demandent pardon pour leurs origines. Absous par le baptême, ils prennent alors des noms occidentaux. Les croix de Jésus que brandissent les esclaves deviennent bientôt les armes des «tirailleurs sénégalais» qui participent à l’effort de guerre du colonisateur. Puis viennent les querelles intestines entre Africains sous l’œil ravi de la puissance coloniale. En quelques images, le cinéaste Med Hondo vient de résumer le passé et le passif du travailleur noir qui arrive dans l’Hexagone, qu’il croit être un autre chez lui. Espoir chimérique.
Son héros multicarte, incarné par Robert Liensol, expérimente bientôt le rejet dans un pays où, à chaque seconde, on lui rappelle qu’il n’est décidément pas le bienvenu alors que l’Etat français a fait explicitement appel à sa force de travail. «Invasion noire», «Halte au péril négro-arabe»… des mots et des expressions qui sont plus que jamais d’une actualité brûlante. C’est ce vieux discours que les partis d’extrême droite ont remis au goût du jour partout en Europe.
En quatre-vingt-dix-huit minutes, Med Hondo dresse un tableau de la condition noire dans tous ses états, à travers un dispositif narratif original. Il s’appuie, entre autres, sur des sketches et une somptueuse bande originale qui participe activement au récit. Le cinéaste use sans jamais abuser de sa liberté de metteur en scène. La forme est riche mais elle ne nuit jamais au fond. Bien au contraire.
«Soleil Ô découle de la tradition orale africaine. Il dépeint une réalité unique. (…) Je voulais décrire plusieurs individus à travers une seule personne au lieu d’utiliser un groupe de personnes. Dans mon pays, quand on parle d’un sujet précis, on peut faire des digressions puis revenir au sujet initial», explique Med Hondo dans le dossier de presse du film. Les digressions auxquelles le cinéaste fait allusion traduisent dans Soleil Ô la complexité de la problématique abordée : la perception de l’Africain, plus largement de l’homme noir dans la société française est une construction historique et sociale. Il faut par conséquent en rappeler les origines, évoquer les conséquences et éventuellement les moyens de se sortir de ce cercle vicieux.

Par Michel Amarger
(Extraits)

Africine.org