MUNA MOTO(Cameroun) - JCC : 1976 - 86 min


Jean Pierre Dikongué Pipa




Parlant un jour de lui, Bassek Ba Kobhio, un autre cinéaste camerounais, président du festival Ecrans noirs, dira : «C’est un film qu’on doit enseigner dans toutes les écoles de cinéma». Peut-on attendre meilleur compliment de la part d’un collègue ? Muna Moto, c’est l’histoire de Ngando et Ndomé, deux jeunes gens de la campagne, qui s’aiment d’amour. Ngando demande Ndomé en mariage, mais il doit d’abord s’acquitter de la dot. Orphelin, ne comptant sur personne, il travaille comme un forçat. Tout au long du film, Dikongué Pipa décrit les sacrifices consentis par le jeune homme pour accumuler cette richesse nécessaire. Il exerce, tour à tour, le métier d’artisan, de pêcheur, de bûcheron.
Cependant, ses activités professionnelles ne lui permettent tout juste que de subsister, d’entretenir sa force de travail. Au bout de ses vains efforts, il fait appel à son oncle, Mbongo, déjà marié à trois femmes. Celui-ci les accuse d’ailleurs toutes de stérilité. Animé d’un désir d’héritiers, l’oncle décide alors d’épouser la jeune fille, qui attend pourtant un enfant de Ngando. Désespéré, le jeune homme, le jour de la fête traditionnelle du Ngondo, enlève sa propre fille.
Muna Moto est donc un film qui explore non seulement les fondements traditionnels de la dot, mais aussi du mariage forcé. Et d’après le système matrilinéaire dans lequel se déroule cette fiction, c’est l’oncle maternel qui est habilité à exercer l’autorité juridique sur son neveu. Ce neveu qui hérite de ses biens et lui succède, en cas de disparition. Si Ngando se rapproche de son oncle Mbongo, cela peut apparaître comme une manière de réclamer, par avance, ce qui devrait, tôt ou tard, lui revenir.
Par ailleurs, Dikongué Pipa amène le spectateur à s’interroger sur la conviction et le sens de la parole donnée dans un contexte de l’oralité. Lorsque les deux jeunes amoureux envisagent de se marier, une cérémonie coutumière est organisée. À l’issue de celle-ci, le père de Ndomé accepte le vin d’alliance apporté par la famille de Ngando. Il bénit sa fille, comme pour manifester son acquiescement au mariage. C’est une façon traditionnelle de «fermer l’enclos». Ndomé ne devait donc plus être promise à quelqu’un d’autre.

Par Jean-Marie Mollo Olinga
(Extraits)

Africine.org