DEMOKRATIA(Algérie) - JCC : 2002 - 17 min


Malek Bensmail




«DêmoKratia» zoome sur un ex-dictateur qui attend la mort. Tandis que les soldats épaulent leurs fusils, il se souvient de son enfance misérable; de son engagement dans l’armée; de son absence de scrupules et d’humanité; du putsch sanglant qui fit de lui le maître absolu. Il se souvient surtout de la seule femme qu’il ait aimée et qui a mystérieusement disparu. Dans quelques instants, les balles traverseront sa poitrine et il sourit. Après lui, un autre viendra, plus féroce encore, peut-être. Dans cette fable cinématographique, l’homme-dictateur est vu à travers le regard de la femme silencieuse qui descend vers la mer, dans cette scène magnifique du début, alors que le vent se lève sur le champ d’alfa.

Tout au long du film, son monologue à lui n’est que palabres sur «la métaphysique du pouvoir». Comme le relève Karima Lazali, « l’émergence des processus démocratiques et la férocité de leurs retournements nous imposent de revenir vers l’histoire de la constitution de la demokratia.

In fine, c’est une dêmoKratia où le territoire s’accroit, mais où le peuple se tasse. « Le G8 nous disait, nous sommes le G8 et vous êtes les 6 milliards d’exclus, mais à partir de ces 6 milliards, on prenait l’énergie pour comprendre un monde autre », raconte Clizia à Ulysse lorsqu’il arrive à Gênes, en se souvenant de ce fameux Forum social et économique de 2001. Voilà donc notre dictateur face au peloton d’exécution qui met ses meurtriers au défi : «Vous ne croirez pas à ma mort!».

C’est que les dictateurs sont des revenants. Et Bensmail nous le dit avec son lyrisme à vif en démultipliant l’homme-dictateur dans cette scène vertigineuse et centrale du film. Pendant qu’un général en uniforme caresse les pieds de la femme au chèche bleu outremer allongée sur le divan du salon, derrière lui, un téléviseur diffuse des plans de parade, de tanks, de manifestation sanglante et de discours de dictateurs. On y reconnait Ceausescu, Pinochet peut être. Tous les dictateurs ne finissent-ils pas par se confondre ?

Par Nadia Haddaoui
(Extraits)

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