Ali Zaoua, le prince de la rue(Maroc) - JCC : 2000 - 99 min


Nebil Ayouch




Les enfants sont d’un maniement délicat à l’écran. Il est si facile de s’en servir pour arracher larmes ou sourires attendris. Surtout quand ils sont pauvres. Or il n’y a guère plus pauvre qu’Ali et ses trois amis, Kwita, Omar et Boubker, des petits garçons qui attendent l’adolescence en vivotant dans les rues de Casablanca. Au tout début du film, Nabil Ayouch montre le quatuor saisi par la caméra d’une journaliste de télévision compatissante à souhait. Ali raconte qu’il s’est enfui de chez lui parce que sa mère voulait vendre ses yeux.
Un temps, l’on peut croire que Nabil Ayouch pose cette séquence à l’entrée de son histoire pour faire monter les enjeux mélodramatiques. Cette vérité horrible va se compliquer, de par la volonté du cinéaste de ne pas réduire ses personnages au statut de victimes. Mais aussi de par la brusque convulsion dramatique qui fait basculer Ali Zaoua à peine les personnages installés dans le décor.

Si l’on veut profiter de cette excellente audace de scénario, on arrêtera ici sa lecture, pour éventuellement la reprendre après la vision d’un film, qui, de toute façon vaut le détour par une salle de cinéma. Mais on est obligé, pour parler encore un peu d’Ali et de ses camarades, de révéler la péripétie suivante : Ali meurt, lors d’une rixe qui oppose sa petite bande au gang terrifiant mené par Dib (Saïd Taghmaoui), un muet couturé de cicatrices qui veut maintenir sous sa coupe tous les enfants des rues de Casablanca. Et ce sont les trois survivants qui décident d’anoblir enfin Ali en lui organisant des obsèques de prince.

Ces efforts désordonnés sont filmés avec un mélange de compassion et d’humour qui tiennent soigneusement le film à l’écart de l’émotion facile. En général, on attribue le mérite des prouesses des enfants comédiens à la direction d’acteurs. Il se peut que Nabil Ayouch ait eu de la chance et ait trouvé d’un seul coup trois petits génies : de toute façon, Mounïm Kbab, Mustapha Hansali et Hicham Moussoune portent le film de bout en bout sur leurs épaules, avec une énergie, une violence, une cruauté qui accentuent encore leur fragilité d’enfants livrés à eux-mêmes.

Par Inconnu
(Extraits)

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