Le sultan de la medina(Tunisia) - JCC : 1992 - 100 min


Moncef Dhouib




Le film Ya Soltane El Médina repose presque entièrement sur le mouvement.
En effet dès les premières images, le film nous plonge au cœur des ténébreuses profondeurs du monde des squatters, las bas-fonds de la médina. Dans un foisonnement de mouvements quasi ininterrompus, la caméra suit les segments de parcours croisés de ces personnages singuliers, saisit ce huis clos labyrinthique qu’est le palais squatté.
De fait, dès les deux premiers mouvements d’appareil qui suivent le générique, un travelling sur Fraj, annonce un parti pris de la caméra…les mouvements de la caméra n’anticipent point, ne se désengagent pas du récit, ils suivent les parcours croisés des personnages. La caméra découvre ce que le sujet voit, en même temps que lui. Elle est solidaire du personnage. Elle est à la limite trop proche de lui…filmer les sujets squatters de la médina en mouvement, dans un espace qui n’est pas le leur, clos sur lui-même parce que usurpé, est en réalité un parti pris dans le film.

Ce parti pris trouve sa démonstration dans la scène où les propriétaires du palais squatté rendent visite à leur propriété. Ils sont filmés en plans fixes, tandis que le père de la prostituée est accompagné par un mouvement travelling ininterrompu en plan rapproché. C’est par l’opposition entre ce mouvement incessant, qui devient par moment difficile à cerner et une fixité insistante et surprenante de certains plans que le récit rend compte de l’insoutenable condition des squatters : comme si tous ces personnages, au moindre moment de répit, réaliseraient la clôture de leur monde et l’exclusion dont ils font l’objet ; seul le mouvement peut leur donner l’impression d’un échange, l’arrêt du mouvement aura valeur de sentence.
Par ailleurs, en plus de cerner les sujets, souvent en plans rapprochés, certains mouvements sont fortement évocateurs des limites physiques auxquelles sont soumis les personnages, allant même jusqu’à suggérer leur condition « ontologique » de prisonniers du cadre cinématographique lui-même.

Par Sonia Chamkhi
(Extraits)

Cinéma tunisien nouveau (Sud éditions)