Fifty-fifty mon amour(Tunisia) - JCC : 1992 - 20 min


Nadia Fani




Il y a beaucoup de sincérité dans le cinéma de Nadia El Fani. Cela est d’autant plus vrai que la réalisatrice ne se contente pas de puiser la matière de ses films dans son expérience personnelle, mais traduit en outre ses préoccupations avec beaucoup de courage et de force de conviction. Son second Court-métrage «Fifty Fifty, mon amour» illustre donc à la fois cette démarche et cette éthique.

L’histoire est simple : Meriem est une enfant issue d’un mariage mixte. Cette double appartenance a fait d’elle un être doublement fasciné par les deux espaces culturels, donc tiraillé entre les deux. Meriem serait réduite à un va-et-vient interminable entre Paris et Tunis. Son dilemme n’est pas un simple piège linguistique, mais façonne désespérément sa personnalité.

Quand elle est Tunisienne, c’est Mourad qu’elle aime. Quand elle se trouve en France, C’est Jacques, pourtant insaisissable, qui focalise son amour. Cette situation dramatique fait en sorte que tout voyage de Mariem est à la fois une fuite et un refuge, un élan sincère vers l’autre et en même temps une rupture avec le proche.

C’est, me semble-t-il, cette allégorie qui donne à l’image de l’avion toute sa valeur et son utilité. Vu à travers un écran vidéo, en noir et blanc, que ce soit en vol ou dans ses manœuvres sur la piste, l’avion devient cet élément récurrentiel qui tantôt cristallise l’obsession de Meriem, tantôt représente son instrument de délivrance...

La démarche de Nadia El Fani ne manque pas d’audace», car pour traduire la révolte et l’irritation qui animent son personnage, elle n’hésite pas à dégager tous les relents de son drame culturel, social et existentiel ; d’abord par son bilinguisme fermement assumé et ensuite par son attitude provocante, comme en témoigne cette scène du bar où, bravant la gent masculine, elle commande et consomme publiquement de la bière.

Une autre scène d’une haute valeur symbolique, celle du cimetière où la jeune fille fait ses confidences, parle de ses goûts, exprime ses reproches et crie sa révolté, devant cette population inerte, sans âme, sans réaction.

Tunis, c’est un espace mort où la communication est difficile. Paris aussi, vu en plan d’ensemble à travers ses toits et ses terrasses, ne semble offrir aucune opportunité de communication...

Par Kamel Ben Ouanes
(Extraits)

Journal La Presse