Peau de colle(Tunisia) - JCC : 2014 - 23 min


Kawther Ben Henia




Peau de colle met en scène Amira, cinq ans, qui s’ennuie douloureusement durant les séances de récitation imposées au Kouttab, l’école coranique qui prépare les enfants à l’école primaire. N’ayant pas révisé ses versets, incapable de réciter, avec les autres, les passages du Coran travaillés en classe, elle se fait humilier par son professeur, qui lui demande d’exposer devant tous ses camarades son ignorance du texte. L’intimidation provoquée par cet acte provoque une telle angoisse chez la petite fille qu’elle ne peut se retenir d’uriner : c’est décidé, elle ne retournera plus au Kouttab. Le lendemain, alors que sa mère l’oblige à se préparer pour le départ à l’école, elle se colle la main avec de la super-glue sur l’accoudoir d’une chaise en bois que sa mère vient d’apporter dans l’appartement ; elle ne peut plus s’en détacher. Sa mère, exaspérée, insiste et envoie sa fille à l’école, juchée sur sa chaise. Elle se fait renvoyer par le professeur et revient le jour suivant, la main accrochée au morceau d’accoudoir que sa mère s’est résignée à découper. Moquée par ses camarades qui la surnomment « main de bois », elle est à nouveau renvoyée chez elle...

Plein d’humour et d’ingénuité, ce film donne la part belle aux bêtises de l’enfant, vers lesquelles va la sympathie du spectateur : résistance vaine mais audacieuse d’une jeune tunisienne à qui les traditions ne siéent pas. Prémisses d’une mobilisation ? Marque de révolte contre une institution, ce rejet de l’école n’est toutefois pas suivi par les adultes qui s’évertuent, par force pour par persuasion, à rétablir l’ordre dans la vie de l’enfant. Kaouther Ben Hania nous présente finalement un constat pessimiste sur les aboutissants d’une révolution qui n’a pu empêcher les anciennes élites de revenir sur le devant de la scène, sous d’autres masques mais toujours aussi puissants, pour gouverner le pays au détriment des indignés.

Par Mathilde ROUXEL
(Extraits)

L’enfance dans la culture arabe contemporaine, Paris, Classiques Garnier, 2017, p. 357-369