CNCI
JCC 2022

Cinéma du Monde


...

Regards sur le monde

Des films, des images et des sons du monde défileront sur les écrans des Journées Cinématographiques de Carthage. Huit longs métrages, de sept pays, dont un documentaire, composent cette sélection. Leurs points communs : une qualité thématique et esthétique incontestable, consolidée par la force du propos, la pertinence du style et la puissance du jeu d’acteur.

Notre choix s’est porté sur des fictions importantes, réalisées, pour la plupart, par des cinéastes jeunes et émergents. Des œuvres aussi incisives qu’éloquentes, alliant la forme et le fond pour critiquer, décortiquer et penser le monde, mais aussi pour filmer des bribes de vies, d’émotions et de rêves. Un documentaire belge tourné en Afrique complète cette sélection. Un choix qui vient consolider les idéaux du festival, tant il exprime les préoccupations du continent, ses problèmes, ses couleurs, son atmosphère chaude et l’inventivité de sa jeunesse malgré la pauvreté et la misère.

La majorité des films reflètent, dans l’ensemble, l’état du monde et s’entrelacent par de subtils liens thématiques, entre solitude, errance, confrontation et lutte pour la vie. La cruauté de l’homme et de la société est incarnée dans “EO” du Polonais Jerzy Skolimowski, un road-movie animalier, si insolite, où un âne, confronté à la dureté de l’être humain, porte un regard innocent sur un monde à la dérive. Cruauté qui se décline, également, dans “Happinness” du kazakhstanais Askar Uzabayev, un film au titre si paradoxal, et qui ne nous renvoie pas au bonheur mais à la détresse d’une femme battue, certes, mais déterminée à s’en sortir à force de volonté d’indépendance et de courage.

Dans “La femme de Tchaïkovski”, le cinéaste russe Kirill Serebrennikov, propose un portrait saisissant, oscillant entre un biopic et un plaidoyer pour la condition féminine dans la Russie du 19ème siècle, où la femme est écrasée par l’homme sans aucun égard pour son être et ses sentiments. Il se focalise sur la femme du grand compositeur qui s’en sépare rapidement, en raison de son attirance pour les hommes.

“I’am a chance”, documentaire du Belge Marc-Henri Wajnberg, traite des difficultés de l’existence et de la lutte pour la survie, en se focalisant sur des adolescentes livrées à la rue de tous les dangers dans la mégapole de Kinshasa, où les protagonistes sont confrontés à la dureté et à la fragilité de la vie.

La vie, qui est une perpétuelle confrontation entre les générations, entre le passé et le présent, se révèle notamment dans “White Building” du Cambodgien Kavich Neang, mais aussi dans “Bi Roya” de l’Iranien Arian Vazirdaftari. Dans le premier opus, le documentaire se mêle à la fiction, gommant les frontières entre les deux genres en déplorant l’avènement d’un monde hyper matérialiste où domine le profit. Le passé, désormais plié et révolu, représente une ancienne époque, entre culture et traditions, à jamais disparues. Cette dualité est également évoquée dans “Bi Roya” à travers le portrait d’une femme qui se retrouve piégée dans une histoire aussi stupéfiante qu’extravagante.

Une note d’humour par l’absurde singularise la section : “Billesuvar” d’Elvin Adigozel de l'Azerbaïdjan véhicule des situations absurdes dans une ville oubliée de son pays, où rien ne se passe et où plusieurs personnages rôdent, en cherchant une direction et un but à leur existence.

Dans l’ensemble, ces films, à la mise en scène maîtrisée, proposent un langage cinématographique particulier, voire hautement esthétique et technique, pour certains, notamment dans “EO”. "Happiness" se distingue, pour sa part, par une force cinématographique sublimée par son atmosphère froide et tétanisante. De son côté, “White Building” se valorise par la composition singulière de ses plans d’où se dégagent une mélancolie si touchante. La puissance du jeu caractérise l’ensemble de ces opus à l’image de la composition magistrale d’Aliona Mikhailova dans “La femme de Tchaïkovski”, et le jeu de Tannaz Tabatabaei dans “Bi Roya” outre, la performance du jeune Piseth Chhun dans “White Building”.

Cette sélection aux multiples et différents univers et atmosphères s’accordent par le pouvoir poétique du cinéma.

Rim Nakhli

Hi-Han

Hi-Han
Jerzy Skolimowski - Pologne (2022)

Baqyt

Baqyt
Askar Uzabaev - Kazakhstan (2022)

Sonata

Sonata
Bartosz Blaschke - Pologne (2021)

I am Chance

I am Chance
Marc-Henri Wajnberg - Belgique, RD Congo (2022)

Bi Roya

Bi Roya
Arian Vazirdaftari - Iran (2022)